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les forçats du mariage

— Oui, répondit-elle en affectant l’indifférence, il nous invite à aller demain passer la journée à la campagne.

— Mais où est donc cette lettre ?

Elle feignit de la chercher.

— Je la crois dans ta poche, dit Étienne.

— Non, c’est celle de grand’mère, répliqua-t-elle.

Comme Étienne la regardait en face, elle rougit un peu.

Évidemment, elle mentait.

Mais pourquoi ne voulait-elle pas montrer cette lettre, qui n’avait rien de réellement compromettant ?

C’est qu’une fois engagée dans le mensonge, elle voulut le soutenir ; c’est que l’inquisition d’Étienne, au milieu de sa douleur, l’impatientait ; et puis cette lettre l’avait tellement troublée, que peut-être craignait-elle qu’Étienne n’y découvrît les indices de sa liaison avec Robert. Enfin il est des moments où, malgré nous, une sorte de fatalité nous emporte.

Étienne baissa les yeux, car il sentait son regard se charger de colère. Pendant quelques instants, il se tut pour contenir la tempête qui s’élevait en lui. En ce moment, il eut le courage d’annoncer à Juliette l’événement qui les ruinait.

— Je viens, dit-il sévèrement, d’apprendre une catastrophe qui va bouleverser notre vie.