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les forçats du mariage

celui-là à ta collection : Série trente-neuvième, femmes du monde, n° 3687, si ce n’est plus. Il est une classe de prédestinés qu’a oubliée Balzac dans son admirable Physiologie du mariage, c’est la nombreuse catégorie des prédestinés en herbe, de ceux dont l’infortune commence avant même le conjungo. Telle femme ne se marie que par dépit ; telle autre aime en secret un joli cousin ; une troisième, un valseur qui l’enivre ; une quatrième, son professeur de chant, ténor irrésistible. Et l’on attend la liberté du mariage pour achever le roman ébauché. Telle est l’histoire de la belle Mme Moriceau. En voyant ce Moriceau, aussi moricaud que morose, personne ne le plaint beaucoup, et tout le monde t’envie.

— C’est une infamie. Pauvre Étienne ! un cœur d’or ! L’an passé, tu m’engageais à fuir, à respecter son bonheur ; aujourd’hui, tu plaisantes. Tu en as le droit, hélas ! J’ai essayé de fuir, d’oublier ; mais elle est venue à moi, et tes conseils et mes résolutions, tout s’est évanoui.

— Parbleu ! j’en étais sûr d’avance. Vois-tu, mon cher, pour l’observateur un peu analyste, l’étude des passions donne des résultats aussi certains, aussi rigoureux que les mathématiques.

— Non, ta science est vaine. Il est des amours qu’on ne peut prévoir, qui échappent à l’analyse, et mon amour pour Juliette est de ce nombre. Je n’ai jamais aimé ainsi.