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les forçats du mariage

de feu que chez lui, il la conduisit dans sa chambre. Il la questionna machinalement d’abord, puis avec sollicitude, puis avec affection.

Les fumées du vin, la fièvre du jeu, l’obsession irritante qui l’opprimait, la beauté de cette femme, ses regards suppliants, éplorés, la passion sauvage qu’elle inspirait, tout contribua à obscurcir l’esprit de Robert et son sens moral. Il devint tendre ; ensuite plus pressant. Que pouvait la pauvre Lucette surprise, malheureuse, épuisée, contre un séducteur comme Robert ?

Mais tout à coup l’indignation la saisit ; elle le repoussa violemment en jetant un cri d’horreur.

Alors Robert revint à lui. Il eut honte de son action, se maudit avec rage.

— Quel être pervers suis-je donc ! s’écria-t-il ; abuser du malheur de cette pauvre créature, et là, chez ma femme !

Toutefois, comme il ne pouvait la renvoyer, il pria Marcelle de la garder à son service. Il jura à Lucette, honteuse, désespérée de sa faute, de la respecter désormais et d’oublier cet instant de faiblesse.

Dès lors, il retourna dans le monde, se jeta de nouveau dans la vie agitée et bruyante.

Nana et la princesse l’avaient ennuyé le premier jour ; mais les jours suivants, grâce à son caractère mobile, il retrouva du moins une gaieté factice qui parvint à l’étourdir.