Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
les forçats du mariage

crifice pour une noble cause ? Eh ! bon Dieu ! répond-il d’un air piteux, et mes pauvres enfants ! Les enfants, cela vous éteint un homme, fût-il homme de génie. L’écrivain tombe dans la panade, le peintre, dans le métier, l’homme de luxe comme toi devient légume. La seule bonne chose du catholicisme, c’est, selon moi, le célibat des prêtres. Voyez-vous un apôtre chargé d’enfants ? Est-il une grandeur possible dans le terre-à-terre, les tracas du ménage ?

— Mais alors tu souhaites la fin du monde.

— Il y a des hommes faits pour le mariage. C’est la plèbe. Le plus grand nombre n’est bon qu’à cela. Mais tout ce qui porte en soi une flamme, une idée, un noble sentiment, doit se garder du mariage, le plus inexorable des éteignoirs.

— Encore une fois, je ne me suis pas marié par goût, mais par nécessité.

— À mon avis, il y aurait moins de honte à voler sur le grand chemin qu’à se faire entretenir par une femme ; car pour moi le sacrement ne légitime rien. Je le sais bien, le monde est pour toi ; on dit : Il a fait un beau mariage. On jette dans la boue les malheureuses qui se vendent par misère, et l’on trouve admirable qu’un gaillard comme toi, bien planté sur ses jambes, fasse ce métier-là.

— Allons, tu es féroce. C’est ignoble, j’en conviens, mais j’en suis déjà puni. Quand tu voudras m’écouter, je te conterai ma lamentable histoire.