Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
les forçats du mariage

blables, avaient-ils pu s’apprécier et s’aimer ? L’attrait des contrastes sans doute.

Pierre, d’une nature un peu épaisse et lente, aimait en artiste la rayonnante nature de Robert, son esprit vif, primesautier, ses passions impétueuses.

Tous deux professaient l’adoration de la lumière, le culte du soleil. Robert avait remarqué les tableaux de Pierre Fromont, ses toiles si lumineuses, et les lui avait payés de grands prix. En visitant son atelier, il s’était amusé d’abord de ses boutades et de ses paradoxes, puis il avait fini par découvrir les trésors cachés de son cœur.

Pierre, de son côté, surpris de trouver des instincts généreux, et si peu de morgue chez l’un de ces élégants désœuvrés qu’il avait toujours regardés comme des esprits et des cœurs vides, Pierre avait conçu pour Robert une affection très-vive, presque paternelle, car il était plus âgé que lui.

— Ah ! te voilà, dit-il d’un air rogue en voyant entrer Robert ; ma foi, je ne t’attendais guère.

— Pourquoi donc ?

— Est-ce qu’on se souvient de ses amis quand on est marié ? Le mariage vous dévore un homme, cœur et âme.

— Tu crois le mariage encore plus goinfre qu’il n’est. Tu es, et tu seras toujours mon meilleur ami.

— Attends un peu, repartit Pierre, et tu trouve-