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les forçats du mariage

dans sa jeunesse. Ce nez aplati et tordu lui donnait une physionomie particulièrement maussade et rétive.

Dans les idées surtout, se manifestait son amour de la révolte et de la destruction.

Lutteur hardi, impatient, frondeur, il s’amusait à porter le fer et la torche à travers les principes vermoulus, les préjugés vénérables. Saper, saccager, détruire dans l’ordre moral ce qui lui semblait erreur, sottise, abus, telles étaient ses jouissances les plus vives.

Cependant, malgré ses sorties fulgurantes, ses désirs de bouleversement et ses théories révolutionnaires, c’était un parfait honnête homme. Il eût dit volontiers : La propriété, c’est le vol ; mais il n’eût pas fait tort d’un centime. Affectueux et bon, il mettait une sorte de forfanterie à se montrer bourru et misanthrope.

Avec quelle verve il attaquait le mariage et même la famille comme des conventions mensongères, immorales, en ce qu’elles enchaînent la liberté ! Pourtant il avait aimé sa mère avec passion, l’avait soignée avec une tendresse presque féminine. Il avait aussi formé une liaison équivalente à un mariage, à laquelle, depuis dix ans, il restait fidèle ; et, de cette union libre, il avait un enfant qu’il adorait en secret. En un mot, c’était une âme aimante et délicate sous une enveloppe rugueuse.

Comment Robert et lui — ces deux êtres si dissem-