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les forçats du mariage

Marcelle lui avait pris la main et voulait s’approcher pour l’embrasser ; mais de son bras roidi, Juliette la maintint loin d’elle.

Robert à son tour s’avança et, d’une voix basse, troublée :

— Me haïssez-vous toujours ? demanda-t-il.

Quelle étrange pensée traversa l’esprit de Juliette ? Il s’attendait à une réponse hautaine et brusque ; elle n’articula pas un mot. Elle lui tendit la main. Sa figure prit une expression de volupté grave. Elle attacha sur lui son regard profond et couvert. À travers ses paupières à demi fermées brillait une flamme sombre.

Ce regard pénétra le cœur de Robert comme une lame brûlante.

Il ferma les yeux ; il chancelait…

Il ramena Marcelle rue de Provence et se fit conduire rue Montaigne. L’émotion, la contrainte surtout qu’il venait de s’imposer, le suffoquaient.

Il courut à sa chambre, s’y enferma, se jeta sur son lit, mordant les couvertures pour étouffer ses sanglots ; car il sanglotait.

Jamais il n’avait enduré un supplice semblable. C’était le premier obstacle sérieux qu’il rencontrait. Pour la première fois il souffrait, et sa fougueuse nature se cabrait énergiquement contre la douleur. Il maudit le mariage qui l’enchaînait.

— Juliette ! Juliette ! criait-il.

Il évoquait ardemment son image et la serrait