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À MARIE LENÉRU


Une rencontre brève où vous m’apparûtes vigoureuse, haute et fière, et pourtant si pathétique, telle une Victoire mutilée, — non en sa personne altière mais dans le secret des sens divins de l’homme, — voici, chère Marie, vous que je n’ai pas connue, le seul souvenir que le destin ait voulu me donner de votre être éphémère en qui travaillait sans relâche, avec de fines forces surhumaines, votre part immortelle.

Nous fûmes, ce jour-là, timides toutes les deux ; moi, justement, parce que je contemplais en vous le malheur qui a triomphé de soi, le noble corps asservi qui, rompant ses liens, s’est élancé sur ces colonnes d’airain, dressé sous le ciel d’Orient, où se tiennent, à la fois immobiles et courants, les héros grecs, et vous, parce que la rêverie surmontait comme un nuage d’été votre altitude, et que la poésie, que vous aimiez, est bien cette opaline vapeur céleste qui enferme un sanglot plein de pleurs.

Votre puissance native, meurtrie dès l’adolescence,