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L’ISOTOPIE ET LES ÉLÉMENTS ISOTOPIQUES

Les méthodes de mesures utilisées en radioactivité sont très sensibles, elles permettent de doser des quantités de radium de l’ordre, par exemple, de 10-10 g, ou des quantités d’émanation de l’ordre de 10-10 mm3. Pour les corps à vie moyenne très brève, la sensibilité est encore plus grande. On peut calculer qu’une quantité de radium C de l’ordre de 10-16 g, (soit environ 2 millions d’atomes de cette substance) produit dans un appareil de mesures un courant de l’ordre de 10-11 ampère, comparable à celui que l’on obtient avec un disque étalon à oxyde d’urane de dimensions ordinaires (quelques centimètres de diamètre).

Mais que doit-on penser des propriétés chimiques des corps radioactifs ? La recherche d’éléments radioactifs dans les minéraux, par les procédés de l’analyse chimique avec l’aide de la mesure du rayonnement, suppose implicitement que les propriétés chimiques de ces éléments sont définies et qu’elles ne peuvent faire défaut, ni en raison du caractère radioactif, ni en raison du faible degré de concentration.

L’histoire même de la découverte du radium est particulièrement instructive. Au cours du traitement de la pechblende ce corps se sépare avec le baryum de tous les autres éléments présents en grand nombre ; il ne se sépare ensuite du baryum que par des cristallisations ou précipitations fractionnées. On a pu en conclure [5] que le radium avait une parenté étroite avec le baryum, opinion absolument vérifiée par les travaux ultérieurs sur la séparation de sels de radium purs, sur la détermination du poids atomique du radium [7] [10] [11] et sur les propriétés de ce corps isolé à l’état métallique [12]. On a de plus trouvé que le spectre du radium est du même type que celui des métaux alcalinoterreux et que les sels de radium et de baryum sont isomorphes. Il est donc bien établi que l’on avait pu juger de la nature chimique d’un élément présent en proportion infinitésimale, d’après la manière dont cet élément se comportait en présence simultanée d’autres éléments variés.

On peut cependant affirmer que la quantité de radium qui se trouve dans les solutions de minerai d’urane est trop faible pour que ce corps considéré isolément puisse précipiter à l’état de sel insoluble. Les réactions du radium, se trouvent, dans le cas considéré, déterminées par la présence, en quantité suffisante, de l’élément baryum, de sorte qu’il y a entraînement de radium par le baryum. Il convient dès lors de se demander si une autre substance ne pourrait jouer le même rôle et induire l’expérimentateur en erreur. On connaît des exemples tels que l’entraînement de fer avec le sulfate de baryum ou l’entraînement de diverses matières par le charbon. Ces phénomènes sont désignés sous le nom d’adsorption, et l’on doit les distinguer de l’entraînement par réelle analogie chimique,