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CROQUIS LAURENTIENS

Le sommet ! Redescendez un peu. Halte ! Voici le rideau d’aulnes qui frissonne au bord du lac des Trois-Saumons. Les mains dans la ceinture, l’on regarde avec volupté, en reprenant haleine, cette étonnante vasque taillée dans la blancheur du quartz, sur un sommet, tout près du ciel, semble-t-il à celui qui a ces deux mille pieds d’ascension dans les jambes !

Le lac est long, très long, cinq milles tout au moins. Il finit là-bas, vers l’est, et dégorge son eau claire par un torrent rapide. Cette eau est d’une limpidité absolue. La roche qui la contient ne se désagrège pas, pour former de la boue, comme il arrive dans la plupart des lacs laurentiens, où le satin de la surface dissimule presque toujours des fanges. Ici, c’est la pureté jusque dans les profondeurs et c’est pourquoi aucun nénuphar ne vient étoiler ces eaux cristallines et s’enrouler à la rame du passant comme pour lui dire : « Arrête-toi, nous sommes si beaux ! » Pas même une lisière de joncs pour briser la ligne crue de ce rivage. L’eau bat la pierre, inlassablement, sans une fleur à caresser, sans une herbe à baigner.

C’est peut-être une marotte, de trouver partout matière à symbolisme, mais chacun regarde la nature avec les yeux qu’il a, vibre devant les paysages avec l’âme qu’il s’est faite, ou que lui ont faite ses atavismes et son éducation. Pourquoi ne pas avouer tout bonnement que cette