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CROQUIS LAURENTIENS

petit delta où nous sommes, moucheté d’étangs et livré à une végétation rappelant celle de la Dune-du-Sud et de la Dune-de-l’Est, mais incomparablement plus riche. À cette heure où le soir menace et où bien rarement les botanistes sont en campagne, les énothères — ces hiboux des fleurs — ont éployé leurs grands pétales d’or, et ces innombrables croix de Malte, immobiles au bout des tiges purpurines, constellent la dune, appelant dans le ciel, l’autre flore de la nuit, l’ardente pullulation d’étoiles. Du feutrage des camarines, entre les rameaux épineux des genévriers, montent de partout les torsades blanches des spiranthes. Il n’y a sable si aride d’où la chimie des orchidées ne sache tirer d’enivrants parfums ! Ne cherchons pas ailleurs l’invisible cassolette d’où effuse cette pénétrante odeur de vanille qui flotte dans l’air tiède.

Sur des arpents et des arpents, partout s’emmêle, dans les dépressions du sable humide, la dentelle savante des canneberges en fleur. À quelques pas de la ligne de haute mer, on marche entre les fleurs violettes des gesses maritimes et les grands épis de l’élyme des sables. Enfin, de toutes parts, fleurissent les troncs noueux et tourmentés des rosiers de dune. Ah ! la bénédiction des rosiers ! Leur brillante et bienfaisante tribu est dispersée de par le vaste monde. Les hommes l’ont partiellement domestiquée, et ils