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CROQUIS LAURENTIENS

malgré l’absence de toute rotation, assument un gigantisme inconnu ailleurs ! Nous allons, dans le foin bleu jusque par-dessus la tête, saluant au passage de vieilles connaissances de la grand’terre : les gros capitules d’or des verges, les têtes blanches des anaphales et les carillons muets des nabales que l’on secoue au passage comme pour leur dire à la Michel-Ange : « Mais sonnez donc ! » Plus frappants encore, le volume, la succulence et l’extraordinaire abondance des fraises qui couvrent partout le sol dans les parties découvertes, laissant tout juste aux bermudiennes, l’heur de dessiller leur œil bleu. Nous sommes en août cependant ! Et quelles fraises ! En vérité, il faut être héros ou botaniste enragé, pour passer sans fléchir le genou. Hélas ! Paul à Jean qui n’est ni l’un ni l’autre trébuche bientôt et s’affaisse dans une large bouillée ! Parvenus tout à l’heure au haut du coteau, nous ne verrons plus, au bas, dans l’herbe haute, qu’une oblongue masse brune, et un feutre clair dodelinant sous l’action des mâchoires ! Finie l’herborisation ! Nous ne retrouverons notre cicerone qu’au soir, mais ce sera pour le voir rechuter lourdement devant la même tentation présentée, cette fois, par un ange de lumière, entre les croûtes dorées d’une tarte ! Eh oui ! Dans l’intérêt de la science pure, il faudrait presque supprimer toutes les plantes comestibles !…