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CROQUIS LAURENTIENS

demande d’attendre encore. Sa pensée intime est claire, qu’il ne dit pas. Qui sait ? C’est peut-être aujourd’hui que le poisson va donner. Et tout le monde veut être là ! D’ailleurs, Édouard à Léon viendra sûrement !

Alerte ! Un botte qui surgit de la mer, grossit de minute en minute et vient droit sur nous, jouant du nez dans l’écume blanche qu’il poursuit et talonne. Victoire ! C’est lui sans doute, et nous rentrons boucler nos malles. Pendant ce temps, le botte profitant des trois vagues d’embelzie a pris terre, et les hommes, dans l’eau jusqu’aux genoux, le tirent sur le sable. Hélas ! maintenant que, le pas lourd, tête basse comme des coupables, ils montent vers la maison, je les reconnais. C’est le père Noël et son mousse.

La femme courbée sur le poêle, verse de l’eau dans le coquemar. Sans se retourner, comme pour garder un instant de plus sa fragile espérance, elle interroge :

— En avez-vous pris ?

— Rien.

Un long silence, où chacun essaye d’endormir en son âme, avec les ressources d’optimisme de sa nature particulière, la commune angoisse. Puis, la femme, sans se relever, sourdement :

— C’est déconfortant !

— Oui ! c’est déconfortant !