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LA GROSSE-ISLE

réunis, debout, assis sur les marches de l’escalier, appuyés sur le poêle éteint. Les pêcheurs acadiens ne parlent guère. Ils écoutent plus volontiers. Comme il n’y a absolument aucun autre moyen de tuer le temps, il faudra subir le tête-à-tête jusqu’au soir, causer et causer sans cesse, sans cesse tisonner la conversation toujours retombante, dans la demi-obscurité de ce jour noir, sous l’œil grand ouvert des mousses silencieux. Mais aussi quelle belle occasion pour pénétrer à l’intime des Madelinots, pour écouter battre leurs cœurs, surprendre leurs amours et leurs aversions, goûter leur admirable philosophie de la vie.

Édouard à Léon n’arrive toujours pas ! D’ailleurs, le fil téléphonique de Brion est rompu depuis plusieurs semaines et nous sommes sans nouvelles de lui. On nous assure cependant que son devoir est de traverser au premier beau temps et qu’il ne peut tarder beaucoup.

Comme le soir arrive, on nous dirige chez le vieux Best, le naufragé jerseyais. Nous trouvons un intérieur charmant, soigné par une écossaise en cheveux blancs, illuminé par le sourire et les yeux noirs de Vera et de Stella, deux fillettes orphelines qui nous regardent curieusement dans la porte de la cuisine. Aux murs, des sentences de l’Écriture font cercle, et une Bible usagée, entourée d’un cordon de laine noire, et reli-