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CROQUIS LAURENTIENS

fillette qui fut adoptée par les Madelinots : c’est la vieille Céleste à David qui achève sa longue vie au Havre-aux-Maisons.

Voici le buttereau où furent enfouis les centaines de cadavres, ossuaire anonyme et mobile sans cesse violé par la mer et le vent. Comment ne pas songer ici à la fatale nuit, au matin d’épouvante ! Le navire éventré, la plage jonchée de débris innommables et de chairs bleuies, le ressac secouant comme des algues les chevelures des femmes. Au milieu de cette horreur, allant et venant avec des corps sur des civières, les bons Acadiens, rendant le dernier devoir d’humanité aux morts inconnus et fraternels. L’Acadie et l’Irlande ! Les deux péchés mortels de l’Angleterre ! ceux qui pèseront lourds à l’heure de la justice qui vient toujours, même pour les empires lestés d’or et bardés de fer !

Malgré toute l’horreur de ces naufrages, il faut bien noter, cependant, qu’ils étaient autrefois la manne opportune envoyée par une Providence mystérieusement bonne pour adoucir le sort des Madelinots. Il arrivait que les provisions faisaient défaut aux îles et que la famine menaçait sérieusement cette population séquestrée. Pouvons-nous nous scandaliser de la joie de ces pauvres gens découvrant, au lever du soleil, un navire chargé de provisions couché sur le flanc à quelques encablures de la dune ? Je n’irai cependant