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CROQUIS LAURENTIENS

fin ! Deux ou trois fois nous croisons d’autres barges revenant de la Grande-Entrée. Immobile à la proue de l’une d’elles, une femme, sans parapluie sous l’averse, serre un bébé sur son sein. Où va-t-elle par ce temps ? Au médecin peut-être, pour cet enfant… Y a-t-il ciel mauvais à l’épreuve des mères ?…

Vers onze heures, nous sommes au Détroit. Une cabane de pêcheurs, déserte, se montre dans le hérissement des typhas. Personne à bord ne connaît suffisamment les sinuosités de l’étroit chenal, de sorte que nous tirons des bordées de tous côtés, fauchant l’arbe-outarde dont les débris viennent flotter sur l’eau et jalonner en zigzag le sillage derrière nous. Un botte chargé d’hommes nous dépasse. Des sourires narquois s’ébauchent sous les suroîts. Tout à l’heure quand nous serons au milieu d’eux, nous leur ferons avouer ingénument qu’à notre allure incertaine ils nous ont pris pour des hommes en bière !

À peu de distance du Détroit, sur la gauche, surgit du sein des sables, la Pointe-au-Loup, un reste de grès rouge, coiffé de verdure, piqué de points blancs qui sont les maisons de quelques pêcheurs. Cette île n’en est plus une, ne touchant à l’eau que par deux côtés.

Vers deux heures, affamés et grelottants, nous sautons sur le quai de la Grande-Entrée, au