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LE HAVRE-AUX-MAISONS

nement de leur jeunesse, un bouquet de phlox ; ces enfants aux yeux dolents et qui écoutent bouche bée ; ces vieux, accroupis sans façon le long du mur, un bâton de verne à la main, tous n’ont dans les veines que du sang de proscrit. Et au silence presque mortel qui règne parmi eux tous, l’on sent bien que, dans l’obscure région de l’âme où dorment les atavismes profonds, des images apâlies se régénèrent qui étreignent les cerveaux, font battre les cœurs plus vite et ravivent des colères lointaines : foyers qui flambent, baïonnettes qui luisent, orphelines qui pleurent sur des tombes méprisées.

Mais l’orateur ne laisse pas ses auditeurs sous cette impression pénible. Le passé est horrible et sanglant, le présent est beau comme toutes les aurores.

« Nous sommes patients. Plus que tout autre peuple nous avons été associés à la passion du Christ. Chassés de rivage en rivage, peuple d’agneaux, nous avons partout cédé la place au loup. On nous a pris et repris nos terres, on nous a pris nos richesses, on nous a pris nos enfants, mais il est deux trésors que l’on n’a pas pu nous prendre, parce qu’ils tenaient au domaine inviolable de l’âme : notre langue française et notre foi catholique ! »

Et avec un orgueil très légitime et très touchant, Paul Hubert inventorie en détail ces