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LE HAVRE-AUX-MAISONS

Ayant flâné, musé tout autour du Havre-aux-Maisons, nous revenons vers le soir, par les délicieux lacis des chemins de fortune, tantôt sur le dos des buttes, tantôt au creux des vallons, perdant rarement de vue la mer tranquille. Nous percevons maintenant entre les croupes tronquées des caps, les lambeaux triangulaires de la gaze violette ou nacarat dont elle se voile pour son repos. Les petites maisons éparses s’endorment dans la paix qui gagne de proche en proche. Quelques cris d’enfant s’espacent graduellement, dernières lueurs de la vie d’un jour qui s’éteint. Sur le sommet de la Butte-Ronde, tout contre la mer qu’on ne voit pas, la grande croix s’efface du ciel, la grande croix qui, tout le jour, regarde peiner les hommes sur les sillons mouvants de la mer, la grande croix sur laquelle leurs âmes et leurs yeux convergent, lorsque le gros temps les surprend sur les fonds de pêche et secoue leurs barges comme des palourdes vides.

Et maintenant que la grande lumière est vaincue, l’autre lumière vient dorer le velours noir de la nuit. Là-bas, au-dessus de la colline, une étoile, silencieusement, entre dans le ciel. À l’orbite d’une fenêtre lointaine, une lampe s’allume, puis une autre, éclairant comme des yeux les figures fatiguées des maisons.

Un cri strident qui déchire le silence ! Le vapeur borgote à la Pointe-Basse, clamant qu’il