Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
L’ÉTANG-DU-NORD

constellations des limoselles blanches, à surprendre les gentianes, en tenue de matin, offrant dans leur petit hanap mauve des libations de rosée au soleil de neuf heures ! Et les oseilles marines amoureuses du sel ! Et les arroches avinées paresseusement étendues sur les galets ! Et les mandibules rouges des salicornes qui étreignent toujours dans l’air froid quelque insecte invisible !

Au bout d’une heure, les cartables sont remplis à crever, mais les estomacs sont vides. Allons-nous retourner sur nos pas pour casser la croûte ? Non. Voici, tout près, dans les vernes, au milieu d’un champ de pommes de terre qui l’englobe sans même laisser un sentier d’approche, une petite maison. Une feuille de tuyau perce le toit et fume obliquement. Nous dînerons là s’il plaît à Dieu et aux habitants. Comme je frappe, une femme en cheveux vient ouvrir, et quelque peu abasourdie de ma demande, allègue timidement sa pauvreté pour refuser ma requête.

— Nous n’avons pas de lait, vous savez, ni de douceur… Il n’y a que du ragoût.

— N’importe ! Nous serons contents de ce que vous aurez. Dans une demi-heure donc !

Sans la chercher nous avions trouvé la plus pauvre maison des Îles de la Madeleine, où il n’y a guère de riches, mais aussi, bien peu de pauvres.