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LES MADELINOTS

malgré sa fertilité sera toujours une occupation secondaire, pour les jours de débauche, c’est-à-dire les jours de vent et de grosse mer.

La séculaire indifférence à l’égard de la terre tient sans doute à la passion de la pêche et à l’exiguïté des domaines, mais aussi à des causes historiques.

En effet, les proscrits de la Baie Française et de l’Île-Saint-Jean pouvaient se croire à l’abri sur leurs rochers et leurs dunes, lorsque vers 1788, le hasard voulut qu’une frégate anglaise portant à son bord Lord Dorchester, vînt reconnaître l’archipel de la Madeleine. La frégate était commandée par Sir Isaac Coffin. « Ce jour-là, écrit Faucher de Saint-Maurice, le temps était clair, le ciel serein, et un soleil chaud et bienfaisant, enveloppait dans ses effluves les crêtes et les pics empourprés des Îles. Toutes les lunettes de la frégate étaient braquées vers ce paradis terrestre, celle de Sir Isaac plus que les autres ; puis, quand elle eut scruté l’horizon et fouillé à l’aise l’archipel qu’on longeait en ce moment, l’officier anglais la déposa gravement sur son banc de quart, et se tournant vers Lord Dorchester, le supplia de lui concéder les Îles qui gisaient devant lui. Comment refuser quelque chose à un capitaine de frégate qui n’a cessé de vous combler durant toute une traversée ? » Le nouveau potentat promit de faire droit à la requête de Sir Isaac, et