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LES MADELINOTS

entourer les Îles, les innombrables milliards de harengs. Ils entrent dans la Baie de Plaisance et jusque dans le Havre-aux-Basques, et c’est alors un fourmillement inusité dans les eaux et sur les grèves.

Le hareng se prend à la trappe, à la senne ou au filet. Les trappes sont d’immenses nasses de fine corde, fabriquées à Boston, et qui peuvent capturer jusqu’à 30 000 barils de hareng en une seule saison. Au fond, cette pêche n’est limitée que par la consommation. Une certaine quantité de ce poisson est boucanée, une autre partie sert d’engrais à la terre, mais la principale utilisation est la boette pour les autres pêches : morue, homard, maquereau. C’est aux Îles de la Madeleine que les terre-neuvas — les banquiers comme on les appelle assez curieusement ici — viennent s’approvisionner de hareng. Par centaines, leurs petits voiliers jettent l’ancre dans la Baie de Plaisance. Les vastes trappes, toujours tendues, déversent alors une partie de leur contenu dans les barques des Bretons. Cette visite périodique laisse aux Îles beaucoup d’argent, ajoute souvent à la population et au vocabulaire.

En petit nombre sont les Madelinots qui se livrent à cette pêche, car elle exige un outillage coûteux — généralement possédé à plusieurs — et, d’autre part, dès le premier de mai, une douzaine de jours avant que le hareng reprenne la