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CROQUIS LAURENTIENS

l’Étang-du-Nord. Les vernes croissent par bouillées (groupes, touffes) dans les ravins et sur les coteaux. L’on dit aussi d’une manière analogue, une bouillée de bois, une bouillée de framboisiers, une bouillée de bluets. Le genévrier de Sibérie s’appelle ici le genève, le genévrier horizontal est le sévigné, les fruits de la camarine sont des goules noires. La zostère marine — mousse de mer, herbe-à-Bernache sur le bas Saint-Laurent — devient ici l’arbe-outarde, la petite oseille des champs sablonneux passe sous le nom de vignette, et l’orge saline a reçu le joli nom de finette. Les petites airelles alpines connues le long du bas Saint-Laurent sous le nom de pommes de terre deviennent ici des berris, corruption évidente de l’anglais berry. Par contre la gaulthérie, le petit thé des bois des continentaux, se nomme là-bas pomme de terre. Suivant leur espèce, nos canneberges ou atocas sont des graines ou pommes de pré, et des môcôques. Je pourrais allonger la liste indéfiniment, mais, pour ne pas donner davantage dans le catalogue, je m’arrête.

Je viens de parler des curiosités grammaticales du dialecte madelinot. Si l’on veut absolument enfourcher le dada de la pureté de la langue — de la pureté dernier cri, s’entend — ces défauts sont sans doute sérieux, mais pour être quelquefois autres, ils ne sont pas plus graves que ceux qui distinguent le parler des Canadiens-Français.