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CROQUIS LAURENTIENS

La Baie des Pères, Ville-Marie, les belles paroisses de l’intérieur, tout ce mouvement, toute cette vie débordante, au fond, c’est son œuvre à lui, modeste, et dont, certes, il ne cherche pas à tirer vanité. Après avoir été durant cinquante ans le père des colons, l’ami et le familier des magnats de la grande Compagnie, des industriels et des chefs des plus importantes concerns minières, le frère Mofette est resté l’humble religieux serviteur de ses frères, que l’on voit au petit jour allumer les cierges et servir la messe avec la simplicité d’un enfant, pour le retrouver aux heures chaudes dans le potager, rechaussant les pommes de terre et soignant les citrouilles.

Ce vieillard courbé dans le sillon, la bêche à la main, c’est lui qui le premier, et tout seul, crut à l’avenir du Témiscamingue ; c’est lui qui en pressentit la richesse ; c’est lui enfin qui jeta en terre la première poignée de blé. Il m’a raconté lui-même cette simple histoire qui ressemble de loin à une parabole évangélique.

En ce temps-là, le P. Pian étant supérieur de la Mission sur la passe du lac Témiscamingue, le frère Mofette administrait le temporel, cultivait le petit jardin et aidait les pères dans leur ministère.

Souvent l’infatigable convers avait sillonné le lac dans tous les sens, et la magnifique Baie du côté nord-ouest l’avait séduit. Il y pensait. Il