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DE MARGUERITE DE NAVARRE

sainctes, comme si le Sainct Esprit ne puisse ou bien qu’il ayt honte instiller sa grâce dans le cœur & entendement des femmes comme dans celuy des hommes, & que ce Seigneur, qui de son Ciel envoie aux hommes le don de tout ce qui leur est bon & nécessaire, exempte les femmes de la libéralité de sa grâce ou, si elles n’en sont exemptées, il soit toutefois impie & intolérable qu’elles tiennent aulcun propos de ce que les hommes, plus par auctorité tirannique que de droit & de raison, se donnent & attribuent.

Que s’il estoit ainsi, il fauldroit donc condamner Catherine de Sènes, de qui nous havons des trésdoctes & catholiques commentaires en Théologie. Aussi devroit estre condamnée Hildergarde de Germanie &, par mesme sentence, S. Bernard déclaré convaincu d’impiété, qui tant souvent luy escrit comme a femme théologienne. Mais S. Hiérome appelleroit de tels juges iniques & ignorants, qui nous a laissé entre les mains tant d’élégantes & doctes Epistres à Fabe, Marcelle & Eustoche, par lesquelles il les excite & exhorte a l’estude de la philosophie Chrestienne, tant s’en fault qu’il soit de cest advis de blamer & reprendre en la femme la lecture des Sainctes Lettres.

Mais, quant est de nostre Marguerite combien qu’elle n’a estée aidée à l’estude de l’Evangile, ne de l’industrie laborieuse des Philosophes, ne d’un tas de superstitieuses observations, toutefois elle a si heureusement proffité à la piété du Christianisme que, si, toute contention sophistique mise à part & dépouillées les malvaises affections qui pervertissent le jugement de l’esprit, on vient à lire le Mirouer de l’ame pécheresse, le Triumphe de l’Aigneau, les Comédies, les Odes, les Oraisons & aultres œuvres par elle escripts en langue & poésie Françoise, je