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ORAISON FUNÈBRE

les Gentilshommes, le Peuple, les Grands, les petits & tous généralement si tost n’entendent le nom de Monseigneur de Vendosme & de Messieurs ses Frères que soubdain ne leur soubhaittent & requièrent à Dieu santé & prosperité.

Ô incrustable, ô indicible, ô redoutable la Providence Divine, qui a tant heureusement disposé de l’estat de ceste bonne Dame que le trèsnoble & trèsparfaict Prince a esté joinct par un indissoluble lien à la trèsnoble & trèsprudente Princesse, faisant tant pour elle quelle fust entée en la mesme souche dont sa mère Marguerite estait aultrefois sortie.

Vous avés jusques icy entendu, ô Alençonnois, de quelle parenté est issue Marguerite, comment elle fut nourrie & à qui elle fut donnée en mariage. Maintenant que demandés vous plus ? Est ce que je vous racompte par ordre tous ses faicts & ses dicts pleins de vertu ? Certes je ne sçay si, entre les hommes mortels, aulcun peut estre si superbe que de se venter de le pouvoir faire ; mais, quant à moy, je ne feray l’essay de si haulte entreprinse &, à mon advis, si difficile pour la conduire à la fin que quiconques s’y hazardera n’y fera non plus que s’il essaioit de compter tous les rayons du Soleil les uns après les aultres. Toutefois je diray bien qu’il n’y a préceptes escripts de l’office du Prince par Platon, Isocrate, Aristote & les aultres Philosophes, Précepteurs des Roys & Princes, que Marguerite n’ait en sa vie si bien accomplis que l’on n’eust peu trouver qu’y redire. Est il aulcun de vous, ô Alençonnois, qui m’estime plus parler par flatterie & adulation qu’à la vérité ? Quant est de ceuls d’Alemaigne, d’Italie, de Venise, d’Angleterre, d’Espaigne & de toutes aultres nations estranges, je n’ay aulcune crainte qu’ils