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DE MARGUERITE DE NAVARRE

ment & organe par lequel le Dieu de consolation réconforteroit les affligés. Les Perles sont grandement utiles contre l’humeur mélancolique, d’ont surviennent maintes pernicieuses & mortelles maladies ; Marguerite devoit estre illustrée par le Seigneur de Royalle dignité, de grandeur d’auctorité & d’abondance de biens de fortune pour secourir & soullager tous pauvres nécessiteus & indigents, & tous ceuls qui seroient en tribulation d’esprit. Les Perles proffitent singulièrement aux nerfs des œils, deseichent leurs humeurs, nettoient leur ordure & éclarcissent la veue ; en Marguerite devoit estre la main de Celuy qui tire les souffreteus hors de la fange & du fiant pour illustrer par elle ceuls qui seroient venus de la maison & race obscure & contemptible & élever aux honneurs les personnes de basse condition, les colloquants auprès des Roys, Princes & Seigneurs de ce Monde, a leur costé, à leurs aureilles, a leurs secrets, & les constituants administrateurs des Républiques.

Encor adjouteray je que les Perles naissent dans la mair & se trouvent en la mair ; toutefois elles hont plus grande société avec le ciel qu’avec la mair. Ainsi, combien que Marguerite deust converser au Monde, elle estoit toutefois gardée par le Seigneur pour depriser ce Monde & ce qui luy appartient, & eslever au Ciel toutes ses affections & pensées. Davantage, les Perles ne doivent estre maniées avec les mains sales ; autrement elles seroient incontinent tachées de macules. Nostre Marguerite n’a esté nourrie & entretenue en voluptés & délices ordes dont elle peust estre maculée. Il fault aussi soigneusement contregarder les perles affin qu’elles ne perdent leur plaisante blancheur ; nostre Marguerite n’a point esté instituée avec trop molle & trop délicate éducation, laquelle luy peust corrom-