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DE MARGUERITE DE NAVARRE

Que si l’observation des Noms n’eust été comme religieuse & sacrosancte aux Anciens ainsi qu’une chose couverte & adumbrée de grands & profonds mystères, certes, Homère n’eust tant travaillé à faire convenir les Noms aux choses & n’eust appelle : Agamemnon, de souffrance, de labeur & de peine ; Oreste, de nature sylvestre ; Atrée, d’inexorabilité ; Tantale, d’infélicité.

Mais à quoi cercheons nous des ethniques & estranges exemples, veu que nous en havons entre les mains de familiers & domestiques, qui assés confirment ce que nous disons ? Je dy des exemples dont personne ne se mocquera, & ne les impugnera, s’il n’est extrêmement enraigé & impie. Car, si nous disons que fortuitement, & non par Divin décret, le nom de Jésus ait esté imposé au Christ, servateur du genre humain, l’Escriture Saincte nous contredira, qui suffisamment nous tesmoigne qu’il fut envoyé du Ciel & apporté par l’Ange pour nous servir de gaige qu’il donneroit salut a son peuple. Par quoy l’opinion de Platon n’est absurde quand il commande qu’on assigne des trèsbeaux noms aux trèsbelles choses.

Par conséquent, on ne pourra plus dire que je m’abuse & que je resve, ainsi que des vieilles, si je dy & croy qu’il est advenu par la dispensation du Divin Conseil que Marguerite ayt heu le nom par lequel le Seigneur Dieu, comme par un extérieur instrument, a voulu donner à entendre de quels dons de grâces il vouloit enrichir & reparer sa créature. Car la Marguerite est une précieuse pierre, que Pline dit emporter l’honneur & le pris sur toutes choses précieuses & havoir perfection en blancheur, grandeur, rotondité & pois. Quand ces trois ensemble se trouvent, ils leur donnent si grande majesté que celle qui en est ennoblie est achaptée à quelque pris que ce soit, & de là il advient