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Xe NOUVELLE

Car de refuser l’honneste amityé que vous m’offrez, je ferois le contraire de ce que j’ay faict jusques icy, que je me suis plus fiée en vous que en tous les hommes du monde. Ma conscience ny mon honneur ne contreviennent poinct à vostre demande, ny l’amour que je porte au filz de l’Infant Fortuné, car elle est fondée sur mariaige, où vous ne prétendez rien. Je ne sçaiche chose qui me doibve empescher de faire response selon vostre desir, sinon une craincte que j’ay en mon cueur, fondée sur le peu d’occasion que vous avez de me tenir telz propos ; car, si vous avez ce que vous demandez, qui vous contrainct d’en parler si affectionnement ? »

Amadour, qui n’estoit sans response, luy dist :

« Ma Dame, vous parlez très prudemment, & me faictes tant d’honneur de la fiance que vous dictes avoir en moy que, si je me contente d’un tel bien, je suis indigne de tous les autres. Mais entendez, ma Dame, que celuy qui veult bastir ung edifice perpétuel, il doibt regarder à prendre ung seur & ferme fondement. Par quoy, moy qui desire perpétuellement demorer en vostre service, je doibs regarder non seulement les moyens pour me tenir près de vous, mais empescher qu’on ne puisse congnoistre la très grande affection que je vous porte ; car, combien qu’elle soit tant honneste qu’elle se puisse prescher partout, si est ce que