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Ire JOURNÉE

Gentil homme dont vous avez parlé estoit si despourveu de cueur qu’il n’estoit digne d’estre ramentu, car, ayant une telle occasion, ne debvoit, ne pour vielle ne pour jeune, laisser son entreprinse. Et fault bien dire que son cueur n’estoit pas tout plein d’amour, veu que la craincte de mort & de honte y trouva encores place. »

Nomerfide respondit à Hircan : « Et que eust faict le pauvre Gentil homme, veu qu’il avoyt deux femmes contre luy ?

— Il debvoit tuer la vielle, » dist Hircan, « &, quand la jeune se feut veue sans secours, eust esté demy vaincue.

— Tuer, » dist Nomerfide. « Vous voudriez doncques faire d’ung amoureux ung meurtrier ? Puis que vous avez ceste opinion, on doibt bien craindre de tumber en vos mains.

— Si j’en estois jusques là, » dist Hircan, « je me tiendrois pour deshonoré si je ne venois à fin de mon intention. »

À l’heure Geburon dist : « Trouvez vous estrange que une Princesse, nourrie en tout honneur, soit difficile à prendre d’un seul homme ? Vous devriez doncques beaucoup plus vous esmerveiller d’une pauvre femme qui eschappa de la main de deux.

— Geburon, » dist Ennasuitte, « je vous donne ma voix à dire la cinquiesme Nouvelle, car je pense que vous en sçavez quelqu’une de ceste pauvre femme, qui ne sera poinct fascheuse.

— Puis que vous m’avez esleu à partie, » dist Geburon, « je vous diray une histoire que je sçay pour en avoir faict inquisition véritable sur le lieu, & par là