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Ire JOURNÉE

païs plus belle que vertueuse, laquelle, pour sa beaulté & legièreté, fut fort poursuivye de l’Evesque de Sées, qui, pour parvenir à ses fins, entretint si bien le mary, que non seullement il ne s’apparceut du vice de sa femme & de l’Evesque, mais, qui plus est, luy feyt oblier l’affection qu’il avoit tousjours eue au service de ses Maistre & Maistresse, en sorte que, d’un loial serviteur, devint si contraire à eulx qu’il cercha à la fin des Invocateurs pour faire mourir la Duchesse. Or vesquit longuement cest Evesque avec ceste malheureuse femme, laquelle luy obéissoit plus par avarice que par amour, & aussi que son mary la sollicitoyt de l’entretenir, mais sy est-ce qu’il y avoit ung jeune homme en la ville d’Alençon, filz du Lieutenant général, lequel elle aymoit si fort qu’elle en estoit demye enragée, & souvent s’aidoyt de l’Evesque pour faire donner commission à son mary à fin de povoir veoir à son aise le filz du Lieutenant, nommé Du Mesnil. Ceste façon de vivre dura long temps qu’elle avoit pour son proffict l’Evesque & pour son plaisir le dict Du Mesnil, auquel elle juroit que toute la bonne chère qu’elle foisoyt à l’Evesque n’estoit que pour continuer la leur plus librement &, que quelque chose qu’il y eut, l’Evesque n’en avoyt eu que la parolle & qu’il povoit estre asseuré que jamais homme que luy n’en auroyt autre chose.