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PROLOGUE

oyr, il debvoit resusciter à la louange de telles personnes, & à l’heure j’oys les deux Dames dessus nommées, avecq plusieurs autres de la Court, qui se délibérèrent d’en faire autant, sinon en une chose différente de Bocace, c’est de n’escripre nulle Nouvelle qui ne soit véritable histoire. Et prosmirent les dictes Dames, & Monseigneur le Daulphin avecq, d’en faire chascun dix & d’assembler jusques à dix personnes qu’ils pensoient plus dignes de racompter quelque chose, sauf ceulx qui avoient estudié & estoient gens de lettres ; car Monseigneur le Daulphin ne voulloyt que leur art y fut meslé, & aussi de paour que la beaulté de la rhétoricque feit tort en quelque partye à la vérité de l’histoire. Mais les grandz affaires survenuz au Roy depuis, aussy la paix d’entre luy & le Roy d’Angleterre, l’acouchement de Madame la Daulphine, & plusieurs aultres choses dignes d’empescher toute la Court, a faict mectre en obly du tout ceste entreprinse, que par nostre long loisir pourra en dix jours estre mise à fin, actendant que nostre pont soit parfaict. Et, s’il vous plaist que tous les jours, depuis midy jusques à quatre heures, nous allions dedans ce beau pré, le long de la rivière du Gave, où les arbres sont si foeillez que le soleil ne sçauroit percer l’ombre ni eschauffer la frescheur, là, assiz à noz aises, dira chacun quelque histoire qu’il aura veue ou bien oy dire à quelque homme digne de foy. Au bout de dix jours aurons parachevé la centaine &, si Dieu fait que nostre labeur soit trouvé digne des oeilz des Seigneurs & Dames dessus nommez, nous leur en ferons présent au retour de ce voiage, en lieu d’ymaiges ou de patenostres, estant asseurée qu’ilz auront ce présent ici plus agréable. Que si