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VIE DE FREUDENBERG

couleurs gouachées. Cette dernière manière obtint le plus de succès, & ce succès l’engagea à faire ces dessins à la sépia, dont il peut être regardé jusqu’à un certain point comme l’inventeur, sans doute parce qu’avant lui personne n’en avait fait de semblables en aussi grande quantité & avec tant d’ardeur. La transparence de la couleur, l’esprit, la légèreté du pinceau, s’y trouvent réunis de la manière la plus heureuse. Plusieurs d’entre eux ont été gravés par des maîtres habiles & forment des planches recherchées des amateurs.

Comme nous venons de le dire, Freudenberg avait passé à Paris huit années consécutives & très heureuses en même temps, lorsque s’éveilla en lui le désir de revoir sa patrie, où il se rendit en 1773, avec l’intention, il est vrai très arrêtée, de retourner à Paris ; mais l’accueil empressé qu’il reçut à Berne, le goût si vif pour les arts du dessin qui régnait alors dans cette ville, le nombre considérable de commandes qui lui furent faites, ne lui permirent pas de songer à la quitter immédiatement, comme il en avait eu la pensée. Il est vrai que ces commandes consistaient uniquement en portraits ; mais, Freudenberg n’ayant pas tardé à renouer connaissance avec son compatriote Aberli[1], beaucoup plus âgé que lui, né à Winterthur, & qui lui-même avait vécu quelque temps à Paris, cette nouvelle liaison le retint encore plus à Berne. Aberli, qui, pendant le temps de la présence de Freudenberg dans la même ville, avait perfectionné considérablement son talent de peintre, semble avoir réveillé dans ce dernier le goût si vif & si prononcé qu’il avait pour la représentation des scènes champêtres, &, comme naguère avec Wille, il fit avec son compatriote des excursions dans diverses contrées de la Suisse, notamment aux environs du lac de

  1. Novembre 1759. — Le 7, M. Aberli, peintre de Berne, prit congé de moi. C’est un homme qui mérite l’estime des honnêtes gens. Je lui ai fait présent d’un dessin & de plusieurs estampes de moi. (Mém. & Journ. de Wille, t. I, p. 123.)