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PREMIERS OBSTACLES

son importante fonction. D’un geste solennel, il nous prie de le suivre dans son bureau.

Il s’assied sans un mot, de la main nous indique des sièges et d’une voix sourde prie l’interprète de nous interroger.

Comme je voudrais diriger la conversation, je prends la parole :

— Une Française peut-elle obtenir un passeport pour Djeddah ?

S’il est étonné, le cheik n’en laisse rien voir. Pas un muscle de son visage ne bouge. Il me dévisage seulement, avec une netteté droite et profonde, puis l’interprète me transmet sa réponse :

— Que veux-tu aller faire à Djeddah ?

— J’ai envie de voyager et de pénétrer au cœur de l’Islam. J’ai beaucoup vécu avec les Arabes qui parlent sans cesse des lieux saints et du Nedj défendu. Je suis attirée par la religion d’Allah et je veux me convertir à l’Islam.

Il ne commente pas mes paroles, mais rétorque d’un ton égal :

— Je ne puis te donner un passeport pour Djeddah, mais cela même ne t’avancerait pas, puisqu’il faut la permission du roi pour pénétrer à l’intérieur des terres.

— Bon, mais si tu ne veux pas me donner de passeport, veux-tu me marier à Soleiman ?

— Si tu as vraiment l’intention de l’épouser, pourquoi ne t’es-tu pas mariée à Palmyre ?

— C’était impossible, je suis trop connue et on y aurait mis obstacle.

— Aimes-tu vraiment Soleiman ?

Sur ma réponse affirmative, Soleiman plastronne et se rengorge. Le consul reste de glace, mais ses questions témoignent d’une méfiance croissante.