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ACQUITTÉE

— Allah seul sait la vérité ! Il décidera.

— Tu es Allah pour moi, tu n’as qu’un mot à dire pour décider de mon sort.

On sourit, mais le cadi veut s’en aller. Je me jette sur lui, on ordonne aux gardes de m’emmener. Je me roule par terre, les interprètes me disent qu’on doit délibérer, qu’on me rappellera dans un quart d’heure. Je reprends courage, je pars, les soldats qui m’encadrent pensent que je vais être libre.

Hélas ! le quart d’heure passe, on ne me rappelle pas. J’appris plus tard que les interprètes, troublés, gênés devant une femme déchaînée, avaient inventé ce quart d’heure d’attente pour me remonter.

Dimanche 18 juin. — J’attends toujours que l’on me signifie la vie ou la mort. Cette attente me rend malade. Je me crois au bord de la tombe. Ma tristesse est insurmontable. Je sens que le dénouement est proche, mais je n’ose plus espérer la liberté.

Lundi 19 juin. — Toujours rien ; le consul m’apporte des journaux pour la première fois. Marise Hilsz a fait Paris-Saïgon-Tokio et retour. J’ai l’impression d’avoir été enterrée vivante pendant 75 jours. Je goûte au plaisir du réveil sans avoir le droit de m’y laisser aller puisque j’ignore encore quelle sera ma destinée.

Je demande toujours au consul s’il voit dans les épreuves du baccalauréat le nom de mon fils qui devait se présenter au début du mois. Je pense que le Haut-Commissariat de Beyrouth lui aurait télégraphié cette nouvelle pour me causer du plaisir. Mais, de tous côtés, silence, ignorance…

Mardi 20 juin. — Toujours sans nouvelles, l’attente me mine et m’annihile.

Mercredi 21 juin. — J’apprends que le roi repart pour le désert où se trouve Er Riad, sa capitale.