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VIE EN PRISON

nérosité, rendent la vie plus atroce à l’emprisonnée que je suis.

Cette odieuse visite m’a enlevé mon dernier courage. Il ne me reste plus que celui d’écrire. Écrire à tous ceux qui en ce moment disposent de mon sort, de ma vie.

Au vrai, j’attends la mort. Écrire me fait oublier les images monstrueuses qui commencent à me hanter. Et c’est une lettre au consul pour faire venir mon fils, si on en a le temps avant mon exécution, une autre à Ibn Séoud, une autre à Fouad Hamza, son ministre des Affaires étrangères. Puisque je dois mourir, je les supplie de faire vite, afin de m’épargner ces affreuses journées et ces nuits de veille hantées par de hideux cauchemars.

Hélas ! le mot vite et l’idée de vitesse sont choses inconnues des Arabes. Mes lettres partent, mais le silence les suit.

Et une nouvelle nuit revient, la cinquième dans cette prison, de nouveau la vermine dévore mes plaies. Le jour se lève encore et le consul ne vient pas.

Le mercredi 26 avril, je me sens atrocement faible. Je n’ai rien mangé depuis cinq jours. Mes chaouichs ont pitié de moi. Cette pitié n’a pas pénétré l’infirmière du bateau. Mais ils vont m’acheter un peu de pain, du lében (lait caillé), du thé, toujours si bon en Orient.

Malgré mon affaiblissement, je voudrais par instants me soutenir, pour éviter surtout la folie qui m’envahit l’esprit et que je redoute plus que tout. Dans la nuit suivante, il y a à côté des bruits de chaînes et d’armes. On emmène à la Mecque les grands criminels par camion automobile. Les mal-