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INTERROGATOIRES

Plusieurs fois les « chaouichs » ouvrent pour me contempler en silence et s’assurer que je ne suis pas évaporée. Chaque fois c’est un nouveau choc, car je m’attends au pire.

La garde change. Les bruits prennent une valeur menaçante dans ce silence ; on dirait que de grandes exécutions se préparent. Et les heures passent, longues, sans fin. Je n’entends même pas le « muezzin ». Le jour semble aussi ne plus vouloir jamais poindre. Enfin une lueur d’aube apparaît à la fenêtre. Est-ce un mirage ? Non, le jour se lève lentement, pénètre dans ma prison, tandis que le tapis de cafards disparaît parmi mille trous, avec la nuit.

Je me sens tout de suite réconfortée par la clarté. Je suis d’ailleurs brûlante de fièvre. Je fais quelques pas, mes pieds enflés me font souffrir et la tête me tourne. Dans un dernier effort, je grimpe sur un bord du mur pour élever ma figure à la hauteur des barreaux de ma fenêtre et j’appelle la sentinelle, je supplie ce soldat de me laisser monter dans la pièce de l’interrogatoire où j’aurai de l’air pur. Ici, j’absorbe du poison. La réponse est celle qu’elle devait être : « Sabour ! Patience » Toujours le même refrain, un homme serait en train de mourir que, par crainte de prendre une décision, on l’achèverait avec ce mot : « Sabour ! Patience ! »

Toujours debout à ma fenêtre, me haussant sur la pointe des pieds pour fuir l’odeur de mon cachot, j’aperçois le consulat d’Égypte et celui d’Italie à deux cents mètres à peine.

Des hommes y respirent la brise matinale sur leur balcon.

Il me faut à tout prix attirer leur attention. Croyant avoir été aperçue, je joins les mains en un