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INTERROGATOIRES

Jaber Effendi vient me questionner également. Le sous-directeur de la police est méthodique. Il écrit sur une grande feuille ses questions. Le docteur Ibrahim traduit tant bien que mal. Aussi, j’exige d’écrire, en face de l’interrogatoire arabe, mes réponses en français. Je suis sûre d’éviter ainsi toute erreur de traduction. Je termine mes déclarations en demandant pour la vingtième fois un avocat et un bon interprète.

Je ne veux pas vexer le docteur Ibrahim, mais je lui dis que ma situation est trop grave pour que je ménage personne. Je lui prouve qu’il ne saisit la valeur des mots et ça me gêne.

Chaque moment m’apporte un peu plus de découragement. Le délégué de la France ne vient pas. J’attends dans une nervosité croissante. Le moindre claquement de talons et de fusils pour le garde-à-vous me fait tressaillir, mais hélas ! ce sont toujours des personnalités arabes qui défilent, et la journée se passe sans aucune nouvelle de l’extérieur. Que va-t-on faire de moi, cette nuit ?

La séance de torture hypnotique et l’interrogatoire prennent fin, vers huit heures du soir, sur cette bonne parole du docteur Ibrahim :

— Il est heureux pour toi que Soleiman ne soit pas mort, ce qui aurait singulièrement aggravé ton cas…

— Bien sûr. Il pourra certifier que je ne lui ai pas donné de poudre rouge. Alors on va me rendre la liberté ? Et quelles réparations vais-je exiger ?

— Rien. Si tu es libre, tu seras assez contente pour ne pas demander davantage.

J’ai une peur indicible de la nuit qui tombe au milieu de mes redoutables gardiens. J’implore Saïd bey de me laisser retourner coucher au harem d’Ali