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LA PRISON

Une fois seule, au lieu dit, je glisse toutefois sur mon ventre le petit carnet rouge tenu par ma ceinture.

De nouveau une agitation inimaginable emplit le bureau de police. Ce sont des allées et venues de soldats, accompagnées du vacarme qui est en tous pays proprement militaire : chocs de crosses, appels du pied, claquement de talons, répétés chaque fois que le directeur de la police entre ou sort.

Le téléphone sonne sans répit. Ce doit être l’hôpital, les médecins, les gens au chevet de Soleiman…

J’entends des phrases entrecoupées :

— Vous venez ?

— Oui, elle est ici.

— On lui a saisi sa valise.

— Elle nie le crime.

Maintenant, ce sont des grincements de voiture qui montent du dehors, avec des voix nombreuses et des résonances de klaxons. On gravit pesamment l’escalier et trois hommes entrent dans la pièce où je suis.

Tous trois sont grands, soignés, élégants, ils ont la peau fine et le visage encadré de boucles noires… L’un d’eux est étonnant, avec son teint trop pâle, son nez pincé, ses yeux vitreux à fleur de tête. L’instinct qui me trompe rarement me dit que c’est un redoutable ennemi. Ce sont des médecins. Ils se réunissent avec Jaber Effendi, sous-directeur de la police, et se mettent à chuchoter loin de moi en me jetant de temps à autre des regards pleins de menaces.

Je les écoute et crois comprendre que Soleiman irait mieux. Nouveau bruit d’auto et tumulte renouvelé dans l’escalier.