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ÉCLAIRCIES

heure sans un changement dans le paysage, comme si nous étions restés au même endroit. Nos fusils semblent une plaisanterie, pas la moindre trace de gibier. Une immensité nue, toujours plus nue. Seules, quelques crottes de chameau oubliées (car les Arabes les ramassent soigneusement pour faire du feu) témoignent du passage d’une vie animale. Renonçant forcément aux gazelles, je propose un bain, dans cette mer si attrayante, doublement attrayante pour moi, après les ablutions du harem, qui sont plutôt une peine qu’un délassement. La chaleur est torride.

Quel délice que ce bain !

Je rentre avec l’espèce de certitude, cette fois, qu’on peut, au vrai, s’accommoder des harems… À condition d’en sortir souvent.

M. M… fils vient me rechercher le lendemain pour me proposer d’aller encore nous baigner. Nous repartons en voiture sur l’immensité de la plaine. Nous avons décidé de ne pas aller trop loin, le frère du roi venant déjeuner chez Ali Allmari. On veut que je sois au harem, au cas où il me ferait demander, chose exceptionnelle pour une femme et qui prouve combien les officiels abandonnaient leurs préjugés pour moi.

Au bout d’une quarantaine de kilomètres, la voiture s’arrête net, et notre chauffeur nous annonce paisiblement qu’il s’agit d’une panne d’essence. Nous sommes en plein désert, à l’horizon rien qu’un pan bleu, qui complète le pan doré du sable. Nous ne voyons même plus la mer. M. M… fils et moi, après un bref conciliabule, décidons d’envoyer le chauffeur chercher de l’essence à Djeddah. En attendant, nous allons nous baigner dans la mer, mais encore faut-il la trouver…