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DJEDDAH

pleine mer, loin de la côte. À la lorgnette nous entrevoyons Djeddah toute blanche, faite de maisons penchées.

Les façades sont chargées de « moucharabiehs » faits du bois des îles de l’océan Indien. Ce sont des apports de Javanais mahométans, qui ont ainsi acquitté le prix de leur visite aux lieux saints.

Autour de Djeddah, pas un arbre, pas un brin de végétation. C’est le désert. Là-bas, derrière quelques lointaines collines, se trouve la Mecque.

La rade de Djeddah est déserte presque toute l’année. Mais à l’époque des dévotions islamiques une activité énorme l’emplit. De grands paquebots internationaux y sont en ce moment ancrés. Dans ces navires sont arrivées toutes les races musulmanes du monde : Soudanais, Berbères aux yeux bleus, Hindous, Malais nègres, esclaves de tous les pays où il en subsiste, abondent. Proche la côte, une carcasse de bateau dit la catastrophe subie naguère par le paquebot Asia. Ahmed Muslem veut nous faire peur, en nous racontant que les officiers français de ce bateau furent exécutés par Ibn Séoud pour avoir par impéritie causé la mort de centaines de pèlerins. Il est vrai que la nouvelle est controuvée, mais j’entends Soleiman, pour racheter sans doute le crime d’avoir épousé une « roumi », dire que ce fut bien mérité.

Une vedette nous amène le capitaine du port et le docteur Yaya, pour les formalités d’usage. Ils sont tous deux en robe de tussor et kéfié[1] de voile. Le tout éblouissant de blancheur. Ils ont des escarpins vernis et portent des chaînes d’or. En ce lieu, tous deux donnent une impression de richesse et de raffinement.

  1. Kéfié, voile qui recouvre la tête.