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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

sistance. Si cette subsistance leur manque, ils naissent pour souffrir, ils languissent dans la pauvreté et sont enlevés avant l’âge par les maladies qui sont la suite de la misère et du besoin. Ils ne contribuent en rien à la puissance, à la richesse, au bonheur de leur patrie. Au contraire, ils l’affaiblissent, l’appauvrissent, y répandent la désolation ; ils consomment sans reproduire, souffrent sans jouir, donnent à leurs parents des soucis et de la douleur, sans atteindre l’âge où ils pourraient les consoler et les payer d’un juste retour. Tel est le sort de plusieurs milliers d’enfants, dès que la population s’élève au-dessus des moyens de subsistance.

CAROLINE.

Affreuse pensée ! Mais vous ne croyez pas qu’il y ait parmi nous des enfants qui meurent véritablement de faim ?

MADAME B.

J’espère qu’il n’y en a pas ; mais leur destinée n’est guère moins déplorable lorsqu’ils meurent lentement faute de soins et de bons aliments. Une nombreuse famille d’enfants en bas âge demande tous les soins, toute la vigilance d’une mère ; mais cette mère est souvent obligée de les abandonner, pour gagner, par un rude travail, leur chétif repas. Le manque de soins, de propreté, d’air frais, d’aliments salubres, engendre une multitude de maladies, qui font périr les enfants, ou les laissent dans un état de faiblesse qui ne leur permet pas de résister à la première contagion qui les atteint. C’est à cette débilité et à la privation des secours de l’art, qu’il faut attribuer la mortalité des enfants que produisent, dans les basses classes, la petite-vérole et la rougeole, mortalité qui surpasse si fort celle qui a lieu par les mêmes causes dans les classes supérieures.

Les funestes effets d’un excès de population ne se bornent pas à l’enfance. Un homme malade, qu’un bon régime et les secours de la médecine auraient pu rétablir, périt faute de pouvoir y recourir. Une femme délicate ou infirme aurait besoin de repos et de ménagement, dont sa situation la prive. Les besoins varient, non-seulement par le climat et la coutume, mais par l’âge, le sexe et les infirmités ; et partout où les premiers besoins ne peuvent être satisfaits, la mortalité étend son empire.

Comprenez-vous maintenant pourquoi le taux des salaires et la