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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

pain accoutumée, quelque insuffisante que fût la moisson ; car à moins que vous ne trouviez un moyen d’augmenter la quantité des vivres, c’est en vain que vous augmenterez, les salaires.

CAROLINE.

C’est vrai ; mais il est vrai aussi que deux schellings achèteront deux fois la quantité de pain que peut acheter un schelling. Ces deux vérités, madame B., paraissent incompatibles.

MADAME B.

Il faut donc que l’une des deux soit une erreur. Deux schellings n’achèteraient pas le double de pain qu’achète un schelling, si les salaires étaient doublés ; parce que le prix des vivres hausserait en proportion des salaires.

CAROLINE.

Mais je défendrais au fermier de hausser le prix du blé et du bétail, en sorte que le boulanger et le boucher ne seraient point obligés de hausser le prix du pain et de la viande. Il n’est pas juste que le fermier, parce qu’il a une mauvaise récolte, rejette son malheur sur le public, et soit le seul à n’en pas souffrir ; c’est pourtant ce qui a lieu, s’il élève le prix de ses produits en proportion de leur rareté.

MADAME B.

Le fermier consomme, en même temps qu’il produit ; comme consommateur, il partage le mal de la cherté. S’il vend son blé au double du prix commun, ce que sa maison en emploie lui coûte le double, car il pourrait le vendre à ce prix.

Mais supposons qu’il fût possible de prévenir la hausse du prix en temps de rareté : qu’en résulterait-il ? Ayez toujours en vue ce point important, c’est que la moisson n’a donné que la moitié du produit ordinaire ; tant que les salaires et les vivres restent au même taux, les ouvriers achètent et consomment la quantité ordinaire de nourriture, et au bout de six mois…

CAROLINE.

Je vous entends, madame B. ; au bout de six mois, toute la provision de vivres sera consommée, et les malheureux dont je plaignais le sort seront obligés de mourir de faim.