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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

tenter de profits moindres, et d’accorder à ses ouvriers une rémunération plus libérale. Et par-là même à mesure que croit l’opulence nationale, les pauvres qui travaillent sont mieux payés et les profits des capitaux diminuent.

CAROLINE.

Ah ! c’est charmant ! C’est précisément ce que je désire. Mais, madame B., si, pendant la seconde année, nos colons emploient leurs ouvriers à bâtir des maisons et à enclore des champs, au lieu de les cultiver, les moyens de subsistance manqueront de nouveau, et les ouvriers retomberont dans leur premier état de besoin ; à moins que l’épreuve qu’ils ont faite de la détresse ne leur serve de leçon pour l’avenir.

MADAME B.

Cela ne dépend pas de la volonté des ouvriers, qui sont obligés de faire l’ouvrage pour lequel ils sont salariés, de quelque espèce qu’il soit. Mais ceux qui les emploient prendront soin de pourvoir à leur entretien, car ils savent que ceux qui négligeraient de faire des provisions pour eux seraient privés de leurs services. Ils ne peuvent pas travailler sans moyens de subsistance, et ils ne voudront pas travailler si on ne leur offre de quoi vivre dans l’abondance, tant que quelques-uns des colons leur feront une pareille offre. Si Jean donc ne fait pas une aussi bonne moisson que Jacques, il ne sera pas en état, l’année suivante, d’employer autant d’ouvriers que lui. Chaque propriétaire de terre aura donc soin de diriger le travail de ses ouvriers de manière à produire la subsistance requise, avant de les employer à d’autres travaux.

Supposons maintenant que les gens de l’équipage naufragé eussent avec eux leurs femmes et qu’ils aient une famille : cette circonstance aurait-elle affecté les salaires ?

CAROLINE.

Les salaires n’auraient pas changé ; mais comme ils auraient eu à pourvoir à l’entretien de leurs femmes et de leurs enfants outre le leur propre, ils n’auraient pu vivre aussi aisément.

MADAME B.

Et s’il n’y avait pas de la nourriture pour tous, les enfants les