Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

tumât ici, comme en Irlande, à une vie dure et pénible, plutôt que de se livrer aux douceurs d’une espèce d’aisance, dont la privation, dans les saisons malheureuses, devient une véritable souffrance ?

MADAME B.

Non ; loin de là, je souhaiterais bien plutôt d’étendre que de resserrer l’enceinte du nécessaire. Il y a plus de santé, plus de propreté, plus d’intelligence, plus de bonheur, dans une cabane anglaise que dans une habitation irlandaise. Il y a plus de force, de vigueur, d’industrie, dans un paysan anglais qui se nourrit de viande, de pain et de légumes, que dans un Irlandais, qui ne vit que de pommes de terre.

CAROLINE.

Sans doute je souhaiterais aux basses classes tout le bien-être auquel elles peuvent atteindre ; mais leurs salaires ne leur permettent pas toujours cet avantage. Qu’est-ce qui détermine le taux des salaires ?

MADAME B.

C’est le rapport du capital à la partie de tous les habitants qui est vouée au travail.

CAROLINE.

Ou en d’autres termes, le rapport des moyens de subsistance au nombre de ceux qu’ils doivent faire vivre.

MADAME B.

Oui, c’est là ce qui règle les salaires, quand ils sont laissés à leur cours naturel ; c’est ce rapport qui seul crée ou anéantit la demande du travail. Pour vous rendre cela clair, je simplifierai lu question, en la réduisant à une moindre échelle. Supposons que nous avons fondé une colonie dans une île déserte ; que les colons ont divisé la terre entr’eux ; qu’ils l’ont cultivée pour vivre ; et qu’étant à la fois ouvriers et propriétaires, ils recueillent en entier le fruit de leur industrie. Sur ces entrefaites, qu’un vaisseau échoue à la côte, et que quelques hommes de l’équipage gagnent la terre : qu’arriverait-il ? Ils fourniraient une recrue d’ouvriers, qui dépendraient des anciens colons pour leur travail et leur entretien.