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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

En d’autres termes, ôter l’ouvrage aux gens est le vrai moyen de leur donner de l’emploi ! — C’est mon objection dans toute sa force.

MADAME B.

L’invention d’une machine entraîne sans doute quelques inconvénients partiels et momentanés ; mais elle a des avantages très-étendus et durables. Quand une machine nouvelle, ou un procédé quelconque qui abrège ou facilite l’ouvrage, vient à être adopté, la marchandise ainsi produite baisse de prix, cette baisse multiplie les acheteurs, la demande augmente, et le produit croît en proportion de la demande. Ainsi, en bien des cas, le nombre des bras employés à ce genre de fabrication, est plus grand après, qu’avant l’adoption du nouveau procédé. Quand on inventa les métiers à bas, les ouvriers qui gagnaient leur vie à tricoter furent à la vérité fort à plaindre ; mais bientôt les bas furent à si bon marché, que tout le monde put en porter ; et il en résulta un tel accroissement de demande, que tous les tricoteurs trouvèrent de l’ouvrage en filant pour les faiseurs de bas.

CAROLINE.

Ce fut une ressource alors ; mais depuis l’invention de M. Arkwright on ne voit plus filer à la main. Les machines, de plus en plus perfectionnées, forcent le pauvre ouvrier à passer d’une occupation à l’autre, et je crains bien qu’enfin toutes ne lui échappent.

MADAME B.

C’est ce qui est impossible. Tant qu’il y aura des capitaux, les pauvres trouveront de l’emploi. Dans les pays riches, on fait de grandes entreprises. On coupe des routes dans les montagnes, ou unit par des canaux les rivières éloignées, on construit des ponts, des édifices ; on fait des travaux de tout genre, qui donnent de l’ouvrage à des milliers d’hommes, indépendamment de l’emploi ordinaire des capitaux dans l’agriculture, les fabriques et le commerce. À quoi tient cette activité ? Au besoin qu’ont les riches d’employer leurs capitaux. Dans un gouvernement libre et qui inspire une pleine sécurité, personne ne veut que son capital reste oisif ; et par conséquent la demande du travail est toujours proportionnée à la grandeur du capital. L’industrie ne connaît point d’autre limite. Le pos-