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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

MADAME B.

Non ; le capital employé de la sorte est consommé, mais il n’est pas détruit : du moins il ne l’est pas plus que la graine confiée à la terre, qui est reproduite avec bénéfice. Le capital consommé par les ouvriers est reproduit de même, avec un accroissement de valeur dans les articles qui sont le fruit de leur industrie.

CAROLINE.

Je sais qu’un capital produit un revenu ; et il me semble que j’ai une idée nette de la manière dont cela se fait. J’ai cependant quelques doutes à ce sujet, que je ne puis entièrement dissiper. Je vois que l’ouvrier ne reproduit pour le capitaliste qu’autant qu’il consomme ; en d’autres termes, qu’il produit des marchandises égales en valeur aux salaires qu’il reçoit ; le revenu est simplement équivalent aux avances ; l’ouvrier rend exactement ce que le capitaliste lui a fourni ; celui-ci ne perd ni ne gagne à ce marché ; le seul avantage qu’il y trouve est qu’à la faveur de la reproduction, un produit périssable est rendu permanent ; car s’il y a un surplus de production, il est bien juste que l’ouvrier en ait tout le bénéfice.

MADAME B.

Aucun capitaliste ne consentirait à faire un tel accord. Quand un homme pauvre demande au riche de pourvoir à son entretien, en lui offrant son travail en retour, il ne lui dit pas : « Pour la nourriture que vous me donnerez pendant le cours de cette année, je produirai, pour l’année prochaine, une égale quantité de nourriture ; » — parce qu’il sait qu’on ne l’emploierait pas à ces termes-là. Il faut qu’il engage le capitaliste, par la perspective de quelque avantage, à échanger la nourriture toute prête qu’il possède, contre quelque chose qui n’existe point encore. Il lui dit donc : « Pour la nourriture que vous me donnez dès à présent, je vous en rendrai plus l’année prochaine ; ou je vous procurerai des produits de plus grande valeur. »

CAROLINE.

Il me semble qu’il y a de la dureté de la part du riche, après avoir envahi la propriété de la terre, et n’avoir laissé au pauvre que son travail, de ne pas lui en céder en entier le fruit. Si j’étais législateur, je me sentirais disposée à établir, à tout événement,