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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

que les personnes les plus charitables donnent n’est jamais qu’une faible partie de ce qu’elles dépensent.

MADAME B.

Je suis loin de souhaiter que le pauvre dépende de la charité des riches pour sa subsistance. N’y a-t-il pour lui d’autre moyen d’avoir sa part de leur bien que de faire le métier de mendiant ?

CAROLINE.

Pas que je sache, à moins qu’il ne consente à voler. — Mais non, je vous entends, vous voulez dire qu’il gagnera en travaillant.

MADAME B.

C’est cela même. Le pauvre dit au riche : « Vous avez plus que ce qu’il faut pour suffire à vos besoins, et moi je suis sans ressource. Donnez-moi une petite part dans vos biens qui suffise à ma subsistance. Je n’ai que mon travail à vous offrir en échange. Mais il fera plus que compenser le sacrifice que vous ferez, en pourvoyant à mon entretien pendant que je travaillerai pour vous »

CAROLINE.

Mais n’est-on pas dans l’usage de payer des salaires aux ouvriers au lieu de les entretenir ?

MADAME B.

Cela revient au même ; car les salaires pourvoient à l’entretien ; la monnaie représente les choses dont l’ouvrier a besoin et pour lesquelles il peut l’échanger.

CAROLINE.

Ainsi l’on peut supposer que l’ouvrier dit à l’homme riche : « Donnez-moi la nourriture et le vêtement, et moi je produirai pour vous par mon travail, d’autres choses en retour. »

MADAME B.

Précisément ; l’homme riche échange avec l’ouvrier l’ouvrage déjà fait pour l’ouvrage qui est à faire. C’est ainsi qu’il acquiert le droit de commander le travail du pauvre, et qu’il augmente sa richesse par le profit qu’il fait sur ce travail.