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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.


MADAME B.

Il faut considérer ensuite que, lorsque l’attention et les talents d’un homme sont entièrement concentrés sur un seul objet, il y a plus de probabilité pour lui de découvrir de nouveaux moyens de perfectionner son ouvrage, ou de faciliter et d’abréger son travail, que si son esprit était occupé d’une multitude d’ouvrages divers. C’est le plus souvent aux ouvriers que nous sommes redevables des perfectionnements dans les procédés et les outils.

Un autre avantage de la division du travail est qu’elle permet de faire aller l’ouvrage d’une manière régulière et non interrompue. Un ouvrier, qui a plusieurs occupations variées, non-seulement perd le temps à aller de l’une à l’autre, mais encore à se mettre à chacune d’elles ; à peine est-il en train de l’une, qu’il faut qu’il la quitte pour en prendre une autre. Il faut qu’il aille de la charrue à la navette, de la navette à la forge, de la forge au moulin ; mais que dis-je ? il ne peut y avoir ni charrue, ni navette, ni forge, ni moulin, avant la division du travail ; car personne n’aurait le temps ou l’habileté que suppose la construction de telles machines, si l’on n’a pas eu la possibilité d’y consacrer tout son travail et toute son attention.

On peut donc considérer la construction des machines comme une branche supérieure de la division du travail. Les effets qu’elles produisent en facilitant et en abrégeant le travail sont presque incroyables. Combien, par exemple, l’opération de moudre le grain n’est-elle pas devenue aisée à la faveur d’une machine aussi simple que le moulin à vent ! S’il fallait exécuter cette opération avec la main, en broyant le grain entre deux pierres, ce serait un travail presque sans fin ; tandis qu’à l’aide du moulin le mouvement naturel de l’air fait presque tout l’ouvrage.

CAROLINE.

Les moulins à coton sont bien plus admirables encore. Une machine à vapeur met en mouvement toutes les roues, tous les fuseaux, et fait l’ouvrage de quelques centaines d’ouvriers.

MADAME B.

La grande puissance des machines dans les mains de l’homme dépend de l’art de forcer les agents naturels, tels que le vent, les vapeurs et l’eau, à exécuter la tâche, qu’il serait obligé d’exécuter