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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

monde ! Quelle variété de travail aussi pour produire les outils du moindre de ces ouvriers ! Sans parler des machines les plus compliquées, comme le vaisseau du commerçant, le moulin du foulon ou même le métier du tisserand, considérons seulement quelle multitude de travaux exige une des machines les plus simples, les ciseaux avec lesquels le berger a coupé la laine. Il faut que le mineur, le constructeur du fourneau où le minerai a été fondu, le bûcheron qui a coupé le bois de charpente, le charbonnier qui a cuit le charbon consommé à la fonte, le briquetier, le maçon, les ouvriers qui ont conduit le fourneau, le constructeur du moulin de la forge, le forgeron, le coutelier, aient tous contribué, par la réunion de leur industrie, à la production de cet outil. Si nous voulions examiner de même chacune des autres parties de l’habillement de ce journalier, ou chacun des meubles de son ménage, la grosse chemise de toile qu’il porte sur la peau, les souliers qui couvrent ses pieds, le lit sur lequel il repose, et toutes les différentes parties dont ce meuble est composé ; le gril sur lequel il fait cuire ses aliments, le charbon qu’il y emploie, qui a été arraché des entrailles de la terre, et qui lui a été apporté peut-être par de longs trajets sur terre et sur mer, tous ses autres ustensiles de cuisine, ses meubles de table, ses couteaux et ses fourchettes, les assiettes de terre ou d’étain sur lesquelles il sert et coupe ses aliments, les différentes mains qui ont été employées à préparer son pain et sa bière, le châssis de verre qui lui procure à la fois du chaud et de la lumière, tout en l’abritant du vent et de la pluie ; l’art et les connaissances qu’exige la préparation de cette heureuse et superbe invention, sans laquelle nos climats du nord offriraient à peine des habitations supportables, ainsi que de tous les outils des divers ouvriers employés à produire ces diverses commodités ; si nous examinions, dis-je, toutes ces choses, et si nous considérions la variété et la quantité de travaux que suppose chacune d’elles, nous sentirions que, sans l’aide et le concours de plusieurs milliers de personnes, le plus petit particulier, dans un pays civilisé, ne pourrait être vêtu et meublé, même selon ce que nous regardons mal à propos comme la manière la plus simple et la plus commune. Il est bien vrai que son mobilier paraîtra extrêmement simple et commun, si on le compare avec ce que le luxe a de plus re-