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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

MADAME B.

C’est très-vrai. Ceux donc qui veulent partager les fruits qu’il a recueillis doivent contribuer à le satisfaire à d’autres égards ; les uns lui porteront du poisson, les autres du gibier ; quand il aura satisfait aux besoins de première nécessité, il échangera ses produits végétaux contre de simples objets de commodité, tels que des paniers pour tenir ses fruits, ou quelques grossiers instruments d’agriculture ; il pourra même à la fin être tenté de donner quelques-uns de ses produits contre de simples objets de luxe, tels que des coquilles rares, des plumes, et d’autres espèces d’ornements. Par-là même ses voisins seront ardents à produire et à se procurer les choses de nécessité, de commodité, ou d’agrément, qui peuvent engager le jardinier à se dessaisir de ses fruits. Ainsi l’invention est aiguillonnée ; de nouveaux articles d’échange sont produits ; on acquiert de l’habileté, et l’esprit d’industrie se développe de tous côtés.

CAROLINE.

Jusque là l’introduction des trocs paraît remplir un but fort utile ; mais quand l’industrie est une fois excitée, pourquoi chacun ne déploierait-il pas ses propres talents pour satisfaire à ses besoins sans l’intervention d’aucun troc ? S’il arrive qu’un homme possède une quantité superflue de quelque marchandise, il est sans doute à désirer qu’il puisse l’échanger contre quelque chose qui lui manque : mais il me semble que c’est un circuit peu naturel de produire quelque chose dont on n’a pas besoin, afin de l’échanger ensuite contre ce dont on a besoin.

MADAME B.

Voudriez-vous donc que le boulanger tuât les animaux dont il doit manger la chair, en même temps qu’il ferait cuire son pain ; qu’il brassât sa bière, bâtit sa maison, fit ses habits, et une multitude d’autres choses, au lieu de se les procurer par la vente de son pain ?

CAROLINE.

Oh ! non, il lui serait impossible de se charger de tant d’occupations variées ; d’ailleurs il peut faire mieux une seule et même chose qu’il n’en ferait plusieurs. Mais cette séparation de métiers et de commerce ne peut avoir lieu dans l’état sauvage.